Les Métis de l’Alberta reconnus en tant que nation

Article : Les Métis de l’Alberta reconnus en tant que nation
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8 juillet 2019

Les Métis de l’Alberta reconnus en tant que nation

Pour les Métis, le 27 juin 2019 est une date historique digne des plus intenses célébrations. En effet, le gouvernement fédéral du Canada a enfin signé des accords d’auto-gouvernance avec les Nations Métis de l’Alberta, de l’Ontario et de la Saskatchewan. Une grande première dans les relations entre Ottawa et ces nations représentant le peuple Métis, réparti sur ce qu’était autrefois le vaste territoire occupé par les Métis – Métis Homeland.

Signature d’un accord-cadre entre le Canada (Ministre Carolyn Bennett) et la Métis Nation of Alberta (présidente Audrey Poitras) le 16 novembre 2017 à Edmonton. (Photo: Alain Bertrand)

Ce n’est que depuis 1982 que l’article 35 de l’Acte constitutionnel reconnait les Métis comme étant un peuple autochtone au même titre que les Premières Nations et les Inuits. Pendant de longues décennies, depuis 1928 pour la Nation Métis de l’Alberta (Métis Nation of Alberta), les Métis se sont battus afin d’obtenir les mêmes droits et la même reconnaissance que les Premières Nations. Ces accords d’auto-gouvernance sont le fruit de récentes décisions de la Cour suprême du Canada qui reconnaissaient finalement les droits des Métis et, conséquemment, définissaient les responsabilités fédérales liées à leur épanouissement.

En fait, ces accords signés par Carolyn Bennett, ministre des Relations Couronne-Autochtones, et les représentants des nations Métis de l’Ontario, de la Saskatchewan et de l’Alberta reflètent une reconnaissance immédiate des droits de ces nations à l’auto-gouvernance. Bien que les accords ne définissent pas de termes précis pour la gestion des soins de santé ou de l’éducation, ils ne résolvent pas non plus les revendications territoriales existantes.

Avec ou sans majuscule, « métis » n’a pas le même sens

Il est important de noter que ces accords se limitent aux peuples Métis du Métis Homeland qui comprend les trois provinces des Prairies, le nord-ouest de l’Ontario et le sud-ouest des Territoires du Nord-Ouest. La nation Métis (le nom propre ne se féminise pas…) ne comprend pas les soi-disant groupes métis (pas de majuscule, différentiation importante…) qui se sont créés au Québec et dans les provinces atlantiques pour revendiquer des droits traditionnels de chasse et de pêche.

Pourquoi le « M » majuscule est-il si important ? Ce n’est pas parce que l’on retrouve un ancêtre autochtone dans son arbre généalogique que l’on est automatiquement Métis.  Oui, le fait que d’avoir un ancêtre ou un parent autochtone fait de nous un métis mais pas nécessairement un Métis.

Les Métis – avec la majuscule, donc – sont issus de l’impact de la traite des fourrures sur les grandes plaines et les forêts boréales du centre de l’Amérique du Nord. Dès les années 1650, les coureurs des bois et voyageurs, pour la plupart d’origine française, s’éparpillent le long des Grands Lacs, à travers les plaines et jusqu’aux forêts boréales de ce qui deviendra plus tard le Canada. Ils y rencontrent de nombreuses nations amérindiennes dont les Cris, les Saulteaux, les Assiniboines, etc. et prennent des femmes autochtones comme compagnes.

Les compagnies de traite de fourrures (Compagnie de la Baie d’Hudson, Compagnie du Nord-Ouest) encourageaient ces familles « mixtes », car elles établissaient des liens de parenté avec les nations autochtones sur lesquelles les Européens comptaient si désespérément pour leur survie et leur prospérité économique. Les enfants issus de ces relations étaient nommés « métis » par les Français ; le mot fut, bien longtemps plus tard, aussi utilisé par les anglais.

Des sociétés matriarcales

Les sociétés autochtones étant souvent matriarcales, il n’était pas rare que les femmes des Premières Nations emmènent leurs maris et leurs enfants passer l’hiver avec leur peuple, ce qui réduisait les frais de provisions des compagnies de fourrure pendant les longs mois d’hiver. Étant minoritaires, les voyageurs/coureurs des bois étaient souvent absorbés à la culture du peuple qui les avait accueillis. Certaines de ces familles se déplaçaient régulièrement entre les communautés autochtones d’adoption et les postes de traite.

Au fil du temps, des petites communautés se sont créées entre personnes ayant des origines mixtes semblables et des mêmes intérêts. Vers 1750-1800, on retrouve déjà dans l’Ouest des communautés Métis qui non seulement vivaient de la chasse au bison et approvisionnaient les postes de traites en fourrures et provisions mais qui devenaient aussi distinctes sur le plan culturel. C’est ici que s’explique l’importance du « M » majuscule – ces gens se considéraient comme étant culturellement distincts des européens et des peuples autochtones dont ils étaient issus.

Ceci ne veut pas dire que les Métis n’entretenaient plus de liens avec les cultures européennes et autochtones. Au contraire, les Métis étant issus de nombreux peuples autochtones (Cris, Assiniboine, Sault eaux, Dentés, Iroquois, etc.) et de nombreuses nations européennes (Français en grande partie mais aussi Anglais, Écossais, Allemand, Danois, etc.), ils ont incorporé divers éléments culturels afin de se solidifier une identité indépendante. À l’instar de nombreux groupes culturels, les Métis avaient tendance à se marier avec d’autres Métis, ce qui a grandement contribué à singulariser leur culture.

Charrette de la rivière Rouge (Photo: Alain Bertrand)

De plus, plusieurs événements importants sont venus consolider cette identité Métis en obligeant ce nouveau peuple à se définir, afin de se défendre et défendre le territoire sur lequel il vivait. Les Métis, étant membres de la Confédération de fer (alliance militaire, économique et territoriale avec les Cris, les Assiniboines et les Saulteaux), ont été obligés de participer à plusieurs guerres contre des nations rivales (Pied-Noirs, Sioux, Gros-Ventres). Plus tard, la guerre du Pemmican, la Bataille des Sept-Chênes (Seven Oaks) et la Résistance du Nord-Ouest menée par Louis Riel ont été des événements qui ont contribué à l’évolution des Métis en tant que peuple doté d’une organisation linguistique, politique et sociale distincte.

On parle souvent des Métis de la Rivière Rouge ; toutefois, il ne faut pas oublier qu’il y avait vers 1790-1800 d’autres communautés éparpillées dans ce qui est aujourd’hui le nord de l’Alberta. Il y avait aussi une communauté Métis importante dans la région des Grands Lacs qui participait pleinement à la traite des fourrures. De plus, des communautés Métis s’étaient aussi formées au sud des Grands Lacs, entre autre, en Illinois. Ces dernières se dispersèrent vers l’ouest et le nord suite à l’arrivée massive de colons américains en Illinois vers 1800-1820.

Afin d’être officiellement reconnu comme étant Métis par les organismes provinciaux Métis actuels, il est nécessaire de pouvoir démontrer un lien direct avec ces communautés Métis historiques. Afin de prouver et obtenir la citoyenneté Métis, il existe d’excellentes base de données généalogiques qui reflètent très clairement les descendances Métis du Métis Homeland.

Symbole de la nation Métis de l’Alberta (Photo : Alain Bertrand)

Écrit avec un « m » minuscule, le mot métis désigne toutes les membres de communautés d’ascendance européenne-autochtone au Canada. Les premiers mariages mixtes entre Européens et autochtones remontent aux débuts de la colonisation. Toutefois, la question de savoir si ces mariages ont abouti à des communautés métisses distinctes est incertaine et fait depuis longtemps l’objet de débats savants…

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