Ah, le Canada et son immensité, ses forêts, ses champs à perte de vue, ses longues routes interminables, ses habitants si accueillants….

Al, l’Alberta ! Ses pics majestueux, ses plaines, ses chinooks, son pétrole, ses cowboys, cette impression de toujours y retrouver un semblant de Far-West…

Combien de rêves ont trouvé leur genèse dans ces images ? Combien de gens ont quitté familles, amis et emplois en quête de l’Eldorado canadien ? Depuis un siècle et demi, ce sont des millions de personnes qui sont venues peupler l’Alberta et l’Ouest canadien tout en renflouant le pool génétique local…

Pour l’Alberta francophone, c’est au début du 20e siècle, qu’un grand nombre de Français, Belges, Suisses et Libanais sont venus s’installer en grand nombre afin de défricher les terres agricoles pour s’y créer une nouvelle vie… Après s’être resserré vers la fin des années 1960, le robinet de l’immigration francophone a recommencé à couler vers la fin des années 1990 avec l’arrivée de nombreux Africains francophones, de Maghrébins et de Français – tous en quête du rêve canadien et de l’Eldorado albertain…

Tout cela ayant été dit (ou plutôt écrit…), comment ces nouveaux arrivants s’acclimatent-ils à la francophonie albertaine ? Pas toujours évident de faire reconnaitre ses diplômes ou son expérience de travail, de s’habiller pour des saisons qui décuple l’indice de refroidissement, de trouver son fromage préféré, ou de picoler son Beaujolais nouveau….

Avec la création de centres d’accueil et d’établissement francophones dans la plupart des grands centres urbains en Alberta, l’aide à l’accueil et aux débuts d’intégration des nouveaux arrivants est facilement accessible. Trouver un loyer, inscrire ses enfants à l’école et, pour la plupart, trouver un emploi, sont des priorités auxquelles il est relativement facile de trouver une solution.

Mais qu’en est-il des adaptations culturelles ? De ces petits conforts quotidiens qui s’alignaient si facilement pour agréer l’existence dans le pays d’origine ? Étant moi-même fils d’immigrant, je me souviens vivement lors de l’arrivée de ma famille au Manitoba de notre recherche quai-désespérée pour du Nutella, cet article de consommation sans laquelle nous ne pouvions pas déjeuner…. C’était 1969, et après maintes visites au magasin Safeway du quartier et au Dominion du quartier voisin, nous nous étions résignés à ne plus jamais pouvoir déjeuner… Y avait bel et bien « la pâte brune salée aux cacahuètes », comme disait ma mère, mais alimenter des enfants avec cela était inconcevable pour mes parents… Sans Nutella, nous avions été obligés de faire comme la plupart des petits Canadiens : mettre des « chips » de blé et de maïs dans un bol avec du lait… Un autre rituel peu connu à l’époque en Europe… Ce n’est que des années plus tard, lors d’une visite à une épicerie italienne du quartier Corydon de Winnipeg, que nous avons enfin miraculeusement trouvé du Nutella ! Secret bien gardé de la communauté italienne, cette épicerie était, à l’époque, le seul endroit où l’on pouvait se procurer cette célèbre pâte aux noisettes…

Tout cela pour dire qu’il faut parfois s’adapter à sa nouvelle réalité en faisant ses quêtes à l’extérieur des sentiers battus… En Alberta, pour trouver son fromage français préféré, il faut soit se rendre dans une épicerie italienne ou hollandaise…. Quoiqu’il existe d’excellentes pâtisseries françaises en Alberta, pour ceux qui désirent savourer des spécialités plus régionales doivent inévitablement se tourner vers des boulangeries allemandes (Alsace, Lorraine, Moselle), hollandaises (Flandres), italiennes (Midi) ou Latino-américaines (Pays basque). Les Belges sempiternellement à la recherche de tarte au riz, de gaufres ou de biscottes, les trouveront chez les Hollandais, Danois et Allemands. Pour une bonne raclette, les Suisses se rendront soit dans des fromageries spécialisées ou chez les Hollandais ou Danois qui savent très bien dissimuler de rarissimes fromages importés pour leurs clientèles exclusives. Les Africains en quête de plantains trouveront ce qu’ils cherchent chez certaines épiceries latinos.

Cette année, l’hiver albertain est arrivé le 1er novembre ! Si, si, je vous le jure… Et c’est beaucoup mieux que l’an dernier lorsque le tapis blanc a été posé par dame Nature à la mi-octobre… Nos nouveaux arrivants francophones qui, dans certains cas, n’ont jamais vu de la neige, se retrouvent désormais devant un embarrassant choix à effectuer : que porter ? Afin d’effectuer ce choix, le nouvel arrivant francophone ne doit surtout pas se laisser influencer par le Canadien dit « de souche » car ce dernier, plus acclimaté aux intempéries hivernales, porte souvent une simple camisole lorsque la température baisse en dessous du point de congélation… Il n’est pas rare de voir des « de souche » en short en novembre… Soit dit en passant, afin de vous informer cher lecteur, l’expression « de souche » n’a rien à voir avec le bois ou les arbres…

L’embarras du choix vestimentaire cause une augmentation de stress incroyable : tuque, bonnet, chapeau de poil, bottes fourrées, bottes de « rubber » (prononcé « wabeu » = caoutchouc), gilet, chandail, pull, anorak, manteau fourré, écharpe, foulard, ceinture fléchée, gants, mitaines, moufles, veste, gabardine, etc. Selon la région de l’Alberta et/ou l’origine culturelle de l’interlocuteur ou du vendeur, certains de ces mots ne désignent pas nécessairement ce que l’on pense… Un exemple, le mot combinaison peut soit faire référence à un long caleçon d’une pièce qui recouvre le corps de la tête aux pieds (long johns) ou un ensemble pantalon-anorak que l’on porte porte pour faire du skidoo… En passant, pour certains Belges, une combinaison est un sous-vêtement féminin…

Le code de la route ! Combien de nouveaux arrivants ont gardé l’habitude du pays d’origine de s’arrêter juste à côté ou en dessous d’un feu rouge ? Ils sont certainement légions… Le hic est qu’au Canada, le feu se trouve de l’autre côté de l’intersection, donc, si on est en-dessous, on a déjà traversé la rue… La priorité de droite ? What’s that ? La priorité de droite n’existe pas au Canada; en arrivant à un carrefour, tous s’arrêtent et c’est le premier arrivé qui est le premier à repartir… La politesse canadien aux carrefours à quatre voies est légendaire… De nombreux conducteurs fraichement débarqués se demandent pourquoi l’on klaxonne derrière eux à un feu rouge lorsqu’ils signalent qu’ils désirent tourner à droite – au Canada (à l’exception du Québec), il est possible de virer à droite sur un feu rouge, nul besoin de patiemment attendre le vert pour le faire.

Sur tout autre sujet, il y aurait plus d’une centaine d’OSBL francos en Alberta ! Le paysage communautaire francophone en Alberta est riche et truffé de toutes sortes de sigles à en faire perdre la boussole à un « de souche », donc, imaginez le nouvel arrivant : FAFA, FPFA, CAVA, FSFA, FJA, ACFA, RAFA, CDÉA, CDM, AJEFA, SPEFSA, AJFAS, IGLF, ASPAA… Oui, oui, je promets de vous démêler tout cela au courant de mes prochains blogs…

A+

Commentaires

Denis
Répondre

A coeden ...
Salut,
il y a deux ans ... déjà deux ans ... j'ai failli passer par Edmonton dans mon trajet un peu fou de Lethbridge à Yellowknife et te rencontrer.
Je recherche tes coordonnées et ne les retrouve plus. Peux-tu me contacter par email ?
C'est à partir d'un forum que nous nous sommes croisés.
Je suis pour le moment en Europe, où je suis arrivé il y a plus de deux mois. J'y ai trouvé de l'occupation et je pourrais travailler dès les semaines à venir, mais ma femme veut rester au Canada et voudrait essayer, cette fois, Edmonton. Elle y est très fermement décidée. Mon billet de retour est pour le 14/9.
Est-il possible de reprendre contact ? Voilà la question que je me pose. Si j'ai bon souvenir tu étais de bon conseil et tu connais bien l'Alberta francophone.
à plus