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Alberta : une nouvelle ébauche du curriculum d’études sociales ?

Tout semble indiquer que le Parti conservateur uni, parti au pouvoir en Alberta, province de l’Ouest canadien, cible une mise à jour du curriculum provincial en éducation. En effet, des ébauches de documents visant une restructuration du programme scolaire de l’Alberta n’a pas tardé à engendrer de vives réactions, non seulement de la part d’experts en éducation partout en province, mais aussi de la part des communautés francophones et autochtones.

Rédigées par les membres d’un comité-aviseur mis en place par le gouvernement au pouvoir peu après les élections provinciales en 2019, ces ébauches semblent préconiser rien de moins qu’un retour en arrière à la période ultra-conservatrice, telle que vécue durant les années cinquante.  Entre autres, des sujets tels que la perspective francophone de l’Alberta et la période des écoles résidentielles risquent d’être remises en question dans le cadre d’une mise à jour des programmes d’études sociales, plus particulièrement pour les élèves de la maternelle à la 4e année.

Certaines recommandations du comité prônent une mise à jour du contenu des programmes d’études sociales, car les impacts de l’arrivée des colons d’origine européenne sur les premières Nations de l’Ouest sont perçus comme étant « trop tristes et bouleversants » pour de jeunes élèves. 

Trop tristes et bouleversants ?

Les Appels à l’action de la Commission vérité et réconciliation, tels que partagé en 2015, recommandait fortement que le sujet, et surtout l’impact des écoles résidentielles soient enseignés dans toutes les écoles et à tous les niveaux.  L’appel à l’action #62 est pourtant assez clair : que des programmes d’études obligatoires mais adaptés à l’âge des élèves soit mis en place pour tous les élèves de la maternelle à la 12e année. 

École résidentielle (Eau vive)
École résidentielle (Eau vive)

Trop tristes et bouleversants ? Ce n’était pourtant pas trop triste et bouleversant d’obliger de jeunes Autochtones, souvent par la force et ce pendant presque 130 ans, à être des victimes du système d’écoles résidentielles. Trop tristes et bouleversants ? L’appel à l’action #62 de la Commission vérité et réconciliation souhaite que des programmes soient adaptés à l’âge des élèves… Le développement de l’intelligence chez l’enfant prend son essor vers l’âge de 4 à 5 ans, il est donc possible de leur partager, d’une façon adéquate, la réalité vécue par certains de leurs concitoyens. On se demande pourquoi le Parti conservateur uni veut abrutir nos enfants ?

Adriana LaGrange, ministre de l’Éducation de l’Alberta

Pour ce qui est de la perspective francophone en Alberta, comment enseigner l’histoire de la province en minimisant le rôle qu’y joue la langue française depuis la moitié du 18e siècle (époque de la Nouvelle-France) ? Dans ses notes datant de 1754, Anthony Henday relate avoir rencontré des parlants français dans ce qui est aujourd’hui l’Alberta. 

Non, chers membres du Parti conservateur uni, l’histoire de notre province ne commence pas avec l’arrivée massive de pionniers de langue anglaise vers la moitié du 19e siècle… D’ailleurs, il ne faut pas oublier que la Cour suprême du Canada a déclaré que les francophones ont le droit de se voir refléter dans les programmes d’études…

Dans son dernier bouquin, Stupides et Dangereux, les États-Unis à l’ère de Trump, l’écrivain et ancien journaliste Normand Lester explique de façon assez directe mais froide le lien qui existe entre le conservatisme américain et la médiocrité de l’enseignement dans les écoles américaines. Selon Lester, en s’assurant d’offrir un enseignement où la science, l’histoire, et les finances n’ont aucune place, l’aile conservatrice américaine s’assure de créer des générations d’électeurs ineptes à la réflexion, qui n’ont aucune foi en la science, qui ne connaissent pas leur histoire et qui, en fin de compte, deviendront de bons américains conservateurs…

C’est à se demander si le leadership du Parti conservateur uni ne tente pas de diriger notre province dans la même direction.  Je ne serai nullement surpris que la théorie de l’évolution postulée par Charles Darwin ne disparaisse du curriculum albertain au profit de croyances religieuses telles que le créationnisme…


Sympa César et éemi – grands gagnants de la trentième édition du Chant’Ouest!

Photo: Alain Bertrand

Edmonton, Alberta – Bravo aux lauréats couronnés lors de la trentième édition du Chant’Ouest à Edmonton : Sympa César, éemi et Stranger Brew!

Forcément, lorsque l’on est spectateur du Chant’Ouest, l’institution de la chanson francophone de l’Ouest canadien, l’on s’attend à une production de qualité ou foissonnent sensations et découvertes de toutes sortes… Ce fut absolument le cas lors de la trentième édition du Chant’Ouest!

Dana Waldie du Manitoba a su rapidement emballé l’auditoire par sa belle prestation simple et sa joie sincère. Son sourire qui s’illumine lorsqu’elle nous parle d’elle-même (ou lorsqu’elle oublie le nom de sa deuxième chanson…), la fébrilité de ses geste et le velours de sa voix reflètent son aise à être sur scène.

Envoutante, la chanteuse du groupe Stranger Brew, Ghislaine Doté, n’hésite pas à emprunter des chemins peu fréquentés lors de sa prestation… Avec ses deux acolytes, le guitariste d’origine albertaine Jonathan Eltis et le bassiste Jory Fernstrom, elle manie habilement ses chansons qui baignent, avec une petite teinte africaine, autant dans le folklorique que la chanson française traditionnelle.  Sublime.

Que dire d’éemi?  Trempant dans la mélancolie, la jeune chanteuse fransaskoise s’est donnée à fond en nous transportant pour quelques instants dans son univers personnel. Arrosée avec un brin d’humour, éemi nous a offert une prestation à la fois accessible, accrocheuse et des plus authentiques.  Une artiste des plus prometteuses, armée de textes touchants, une voix aux intonations chaudes: un talent à surveiller de près.

Bien sûr, puisque nous sommes à Edmonton, l’artiste le plus attendu était nul autre que Sympa César! À en juger par le chaud accueil que le public lui a réservé, les coeurs des membres de l’auditoire franco-albertain lui étaient déjà conquis. Performance simple et enjouée, sans artifices, Sympa, en pleine possession de ses moyens, a su livrer l’essence de ses chansons dans le cadre d’une prestation rodée.  Ses chansons respirent une belle intensité contagieuse, portée par le plaisir manifeste qu’il a à être sur scène. Sans hésitation, il les enchaîne avec un malin plaisir, développant rapidement une complicité avec son auditoire.

Au grand plaisir des spectateurs, plusieurs chansons d’artistes de l’Ouest dont, entre autres, les Surveillantes, Chic Gamine, et Daniel ROA ont trouvé de nouvelles vie lorsqu’interprétées tour à tour par les lauréats des divers galas provinciaux.

Le prix Thérèse-Potvin a été décerné à Radio-Canada et à l’Associatuion canadienne-française de l’Alberta (ACFA) en tant que pionniers et créateurs du Chant’Ouest (anciennement Gala interprovincial de la chanson) en 1989.

Alain Bertrand


Chant’Ouest – un trentième anniversaire en chanson et un retour au bercail

Edmonton, Alberta (Canada) – Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts du Chant’Ouest depuis ses balbutiements en 1989. Ce concours annuel figure fièrement, et avec raison, parmi les événements culturels qui modifient profondément le paysage culturel canadien. Quelque 30 ans plus tard, cet incubateur et propulseur de jeunes talents continue d’assumer son rôle de tremplin de la chanson francophone ouestrienne. 

L’automne s’installe tranquillement à Edmonton, ville berceau du premier Chant’Ouest en 1989 et ville honorée d’en accueillir la trentième édition. Nous sommes en pleine période des moissons et cela se reflète aussi au niveau de la récolte et du pétillement de la chanson francophone de l’Ouest.

Loin de se tarir, la chanson française dans les quatre provinces de l’Ouest canadien est en pleine effervescence. Une récente liste de lecture sur Spotify indique bel et bien que le réservoir de talents est énorme. Néanmoins, il n’est pas facile de percer dans l’univers de la musique et encore moins au sein des communautés de langue officielle minoritaire. Afin d’augmenter la fréquentation lors de spectacles et festivals, un engouement pour aller voir et entendre des artistes en herbe se doit d’être engendré et alimenté par une expérience de découverte et d’introduction, c’est une des réalités de l’industrie musicale… La soif de musique francophone dans l’Ouest, il nous faut l’abreuver et la désaltérer en alimentant la résilience de nos artistes… D’où la raison d’être du Chant’Ouest, un moment unique et exceptionnel qui réunit un public autour d’un partage de découvertes musicales.

Créé il y a 30 ans par Ronald Tremblay, autrefois réalisateur de Radio-Canada, et Yves Caron, anciennement directeur du secteur culturel de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), le Chant’Ouest est une véritable institution dans les annales de la chanson francophone au pays en ce qu’il est l’unique concours à se déplacer d’une province à l’autre. De plus, le Chant’Ouest est le seul événement francophone de grande envergure à s’être rendu au nord du 60e parallèle deux fois, soit à Whitehorse en 2012 et Yellowknife en 2017. Tout cela dans le but de découvrir, de développer et de promouvoir la relève de la chanson francophone de l’Ouest et du Nord.

Yves Caron, la directrice de Radio-Cité Carole St-Cyr et Ronald Tremblay (Photo : Radio Cité)

« Est-ce que tous les objectifs que l’on s’était imaginés se sont matérialisés ?  Probablement pas », commente Ronald Tremblay. « Est-ce que le projet comme tel est un succès ? Bien sûr ! On ne peut dépister, former et promouvoir 175 différents artistes ayant performé au Chant’Ouest sans être fier du travail effectué par tout le monde impliqué à l’échelle de la région au fil des ans. Un élément de fierté pour ‘moi’ est de pouvoir me dire un ‘fan’ de plusieurs de ces artistes que j’ai vu éclore – et qui sont maintenant des artistes appréciés sur la scène nationale. »

Au fil des années, la renommée du Chant’Ouest n’est plus à faire. Produit cette année par le Centre de développement musical (CDM), le Chant’Ouest réunira quatre auteurs-compositeurs-interprètes en herbe. Ces artistes sont chacun lauréat d’un concours de chansons provincial et se mesureront l’un à l’autre pour la grande finale de l’Ouest canadien. Chacun aura bénéficié de formations reçues lors de leur concours provincial respectif avant de se produire sur scène à Edmonton. Deux lauréats seront alors sélectionnés pour représenter l’Ouest et le Nord canadien au Festival international de la chanson de Granby en août 2020.

L’organisation d’un tel événement repose sur la collaboration d’un ensemble de personnes dévouées. La direction musicale a été confiée à Robert Walsh tandis que la direction artistique est assurée par Josée Thibault et Ronald Tremblay. Tout cela sous l’égide du président d’honneur Yves Caron.

            Photo: fransaskois.info

Une scène, des lumières, une expérience inoubliable et jubilatoire autant pour eux que pour leur public – voilà ce qui attend les 4 artistes émergents en provenance des quatre provinces de l’Ouest :

Sympa César (Alberta)

Stranger Brew (Colombie-Britannique)

Dana Waldie (Manitoba)

éemi (SPhoto : fransaskois.info

Radio-Canada Alberta, le CDM et le Regroupement artistique francophone de l’Alberta (RAFA) s’unissent pour aussi célébrer cette année la vivacité de la chanson francophone de l’Ouest par l’entremise d’une initiative baptisée « 30 ans de chanson d’ici ». Le vendredi 20 septembre, dans le cadre du Cercle des auteurs-compositeurs SOCAN, trois artistes bien connus du milieu musical franco-albertain présenteront certaines de leurs chansons : Mireille Moquin, Raphaël Freynet et Jason Kodie.

Chant’Ouest, salle de l’UniThéâtre à la Cité francophone d’Edmonton – jeudi le 19 septembre 2019 !

Alain Bertrand


Radio Cité, le son de la communauté francophone du grand Edmonton

A l’automne 2018, presque dix ans après les premiers balbutiements d’un projet de radio communautaire à Edmonton, Radio Cité 97,9 fait enfin son apparition dans l’univers radiophonique francophone d’Edmonton et que nous avons pu entendre ces mots : « Vous écoutez ‘Bienvenue chez vous’ avec Fernand Bienvenue Ackey sur les ondes de Radio-Cité, 97,9 à Edmonton ! »

Depuis, la question maintes fois posée est la suivante : pourquoi était-il nécessaire de créer une radio communautaire francophone à Edmonton lorsque Radio-Canada existe et offre une excellente visibilité à la francophonie locale ? La réponse n’est pas si facile à expliquer et/ou à comprendre.

Avec l’aide de mon cher ami Google, voici ce que j’ai trouvé sur le Web : « Radio-Canada a comme mandat de refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu’au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions. » Et toc. Un mandat que notre société d’Etat respecte admirablement malgré les coupures budgétaires dont elle a été victime au fil des ans.

Radio-Canada ne peut pas tout

Radio-Canada reflète extrêmement bien « la globalité canadienne » et nous donne une place de choix à l’échelle nationale en « rendant compte de nos diversités régionales ». Toutefois, malgré tous ses efforts, Radio-Canada ne peut plus toujours répondre « aux besoins particuliers » qui émanent d’une grande région en plein essor comme Edmonton. D’où la complémentarité essentielle d’une radio communautaire locale.

Une radio communautaire est essentielle afin de bien refléter la diversité culturelle francophone d’une grande ville comme Edmonton, c’est un outil de communication et d’information privilégié.  Radio-Cité permet à la francophonie locale de se retrouver, de partager, de s’identifier par l’entremise de tout un éventail musical francophone, d’information sur des événements spécifiques, et d’offres de programmes et services communautaires. Nul besoin de regarder plus loin que l’émission quotidienne du retour à la maison, Bienvenue chez vous. Animée par Fernand Bienvenue Ackey, togolais d’origine, l’émission se veut un reflet de la communauté locale en incorporant des entrevues avec divers acteurs communautaires, en discutant des sujets d’actualité, et en faisant tourner des artistes francophones autant franco-albertains que québécois, européens et africains.

Photo : Alain Bertrand

Plus que tout, Radio-Cité est le médium idéal pour faire vivre notre langue. Elle donne non seulement une voix aux personnes actives de la communauté, mais aussi aux acteurs communautaires en devenir.

Ayant toujours quelques défis à surmonter (antenne, budget), Radio-Cité est maintenant bien implantée dans le décor francophone d’Edmonton où elle est, en quelque sorte, devenue une forme de place publique. Elle fait partie des stratégies de communication de nombreux organismes et est devenue un incontournable dans la promotion d’événements et spectacles francophones. Les diverses composantes culturelles de la communauté n’hésitent pas à animer une émission ou partager un calendrier d’activités. Dans une communauté aux identités multiples, Radio-Cité est devenue un outil de diffusion d’une langue mais aussi de plusieurs cultures. Radio-Cité a également réussi à réunir autour de son projet de nombreux organismes voués au développement économique, social, et culturel.

Les radios communautaires sont ouvertes à toutes les bonnes idées

Point non négligeable, outre les émissions des heures de pointe, faire de la radio communautaire ne requiert pas de formation particulière ou de CV somnifères débordant d’expériences acquises on ne sait où… Si un membre de la communauté désire faire de la radio, il ne lui suffit en principe que d’avoir une idée innovante d’émission et la chance probable de pouvoir être ajouté à l’horaire des émissions produites par des bénévoles.

J’en suis l’exemple parfait… Depuis la fin octobre 2018, j’anime chaque semaine une émission axée sur le blues. Mon expérience dans le domaine de la radio est limitée et remonte à mes années universitaires. J’animais alors deux fois par semaine une émission qui s’intitulait « L’heure du Capitaine Rock » sur une radio universitaire dont les lettres d’appel étaient CTHC, au grand désarroi du conseil étudiant de l’époque. C’était l’époque des tourne-disques et il fallait s’assurer que l’aiguille atterrisse sur le bon sillon du disque… Expérience devenue complètement inutile à l’ère des MP3.

Mon émission s’appelle Cité Blues et j’y joue du blues sous toutes ces formes, en ajoutant une bonne dose d’appui aux artistes franco-albertains et francophones. Je ne me fais pas d’illusions sur mes cotes d’écoute… Vu les défis d’antenne de Radio-Cité, la transmission du signal est limitée (cela devrait être corrigé au courant des prochaines semaines). Je ne connais pas mes cotes d’écoute mais je reçois régulièrement des commentaires tels que : « Je t’écoutais hier soir », « pas mal l’émission », « j’ai bien aimé la chanson de Richie Arndt et B.B. King », etc. m’indiquant qu’il y a tout de même des personnes à l’écoute. Radio-Cité peut aussi être écoutée via le Web et j’ai quelques fidèles auditeurs à Madagascar et en Côte d’Ivoire…

Bref, tout cela pour dire que la radio communautaire m’a donné l’occasion d’exprimer et partager l’amour que je porte au blues. J’ai un ami à Saint-Boniface, au Manitoba, qui anime une émission similaire de blues depuis plus de 25 ans sur la radio communautaire locale ; faut le faire…

Un laboratoire culturel communautaire

Je ne suis pas seul, d’autres bénévoles amateurs animent des émissions sur le country, la musique dance, la techno, etc. D’autres encore, parfois représentant des organismes communautaires, tiennent la barre d’émissions axées sur divers aspects de l’actualité.

La radio communautaire, c’est aussi un peu un laboratoire culturel communautaire. On peut se permettre certaines choses que notre société d’Etat ne pourrait pas : par exemple, aller plus en profondeur dans certains sujets locaux très spécifiques ; jouer de la musique en une langue autre que le français ; œuvrer avec la relève étudiante dans les écoles… Sur ce dernier point, Radio-Cité est aussi devenue un outil d’apprentissage et de formation qui, en renforçant un sens d’appartenance à la communauté, assure une participation accrue aux mécanismes de décision, d’orientation et de programmation non seulement de la radio mais aussi dans la communauté. Forte de son expérience en radio, la directrice générale Carole St-Cyr n’hésite pas à partager ses acquis un peu partout en province…

N’oubliez pas d’écouter Cité Blues avec Alain Bertrand, sur les ondes de Radio-Cité 97,9 à Edmonton, tous les mardis de 18 h à 20 h (heure locale de l’Alberta). Bonne écoute…


Les Métis de l’Alberta reconnus en tant que nation

Pour les Métis, le 27 juin 2019 est une date historique digne des plus intenses célébrations. En effet, le gouvernement fédéral du Canada a enfin signé des accords d’auto-gouvernance avec les Nations Métis de l’Alberta, de l’Ontario et de la Saskatchewan. Une grande première dans les relations entre Ottawa et ces nations représentant le peuple Métis, réparti sur ce qu’était autrefois le vaste territoire occupé par les Métis – Métis Homeland.

Signature d’un accord-cadre entre le Canada (Ministre Carolyn Bennett) et la Métis Nation of Alberta (présidente Audrey Poitras) le 16 novembre 2017 à Edmonton. (Photo: Alain Bertrand)

Ce n’est que depuis 1982 que l’article 35 de l’Acte constitutionnel reconnait les Métis comme étant un peuple autochtone au même titre que les Premières Nations et les Inuits. Pendant de longues décennies, depuis 1928 pour la Nation Métis de l’Alberta (Métis Nation of Alberta), les Métis se sont battus afin d’obtenir les mêmes droits et la même reconnaissance que les Premières Nations. Ces accords d’auto-gouvernance sont le fruit de récentes décisions de la Cour suprême du Canada qui reconnaissaient finalement les droits des Métis et, conséquemment, définissaient les responsabilités fédérales liées à leur épanouissement.

En fait, ces accords signés par Carolyn Bennett, ministre des Relations Couronne-Autochtones, et les représentants des nations Métis de l’Ontario, de la Saskatchewan et de l’Alberta reflètent une reconnaissance immédiate des droits de ces nations à l’auto-gouvernance. Bien que les accords ne définissent pas de termes précis pour la gestion des soins de santé ou de l’éducation, ils ne résolvent pas non plus les revendications territoriales existantes.

Avec ou sans majuscule, « métis » n’a pas le même sens

Il est important de noter que ces accords se limitent aux peuples Métis du Métis Homeland qui comprend les trois provinces des Prairies, le nord-ouest de l’Ontario et le sud-ouest des Territoires du Nord-Ouest. La nation Métis (le nom propre ne se féminise pas…) ne comprend pas les soi-disant groupes métis (pas de majuscule, différentiation importante…) qui se sont créés au Québec et dans les provinces atlantiques pour revendiquer des droits traditionnels de chasse et de pêche.

Pourquoi le « M » majuscule est-il si important ? Ce n’est pas parce que l’on retrouve un ancêtre autochtone dans son arbre généalogique que l’on est automatiquement Métis.  Oui, le fait que d’avoir un ancêtre ou un parent autochtone fait de nous un métis mais pas nécessairement un Métis.

Les Métis – avec la majuscule, donc – sont issus de l’impact de la traite des fourrures sur les grandes plaines et les forêts boréales du centre de l’Amérique du Nord. Dès les années 1650, les coureurs des bois et voyageurs, pour la plupart d’origine française, s’éparpillent le long des Grands Lacs, à travers les plaines et jusqu’aux forêts boréales de ce qui deviendra plus tard le Canada. Ils y rencontrent de nombreuses nations amérindiennes dont les Cris, les Saulteaux, les Assiniboines, etc. et prennent des femmes autochtones comme compagnes.

Les compagnies de traite de fourrures (Compagnie de la Baie d’Hudson, Compagnie du Nord-Ouest) encourageaient ces familles « mixtes », car elles établissaient des liens de parenté avec les nations autochtones sur lesquelles les Européens comptaient si désespérément pour leur survie et leur prospérité économique. Les enfants issus de ces relations étaient nommés « métis » par les Français ; le mot fut, bien longtemps plus tard, aussi utilisé par les anglais.

Des sociétés matriarcales

Les sociétés autochtones étant souvent matriarcales, il n’était pas rare que les femmes des Premières Nations emmènent leurs maris et leurs enfants passer l’hiver avec leur peuple, ce qui réduisait les frais de provisions des compagnies de fourrure pendant les longs mois d’hiver. Étant minoritaires, les voyageurs/coureurs des bois étaient souvent absorbés à la culture du peuple qui les avait accueillis. Certaines de ces familles se déplaçaient régulièrement entre les communautés autochtones d’adoption et les postes de traite.

Au fil du temps, des petites communautés se sont créées entre personnes ayant des origines mixtes semblables et des mêmes intérêts. Vers 1750-1800, on retrouve déjà dans l’Ouest des communautés Métis qui non seulement vivaient de la chasse au bison et approvisionnaient les postes de traites en fourrures et provisions mais qui devenaient aussi distinctes sur le plan culturel. C’est ici que s’explique l’importance du « M » majuscule – ces gens se considéraient comme étant culturellement distincts des européens et des peuples autochtones dont ils étaient issus.

Ceci ne veut pas dire que les Métis n’entretenaient plus de liens avec les cultures européennes et autochtones. Au contraire, les Métis étant issus de nombreux peuples autochtones (Cris, Assiniboine, Sault eaux, Dentés, Iroquois, etc.) et de nombreuses nations européennes (Français en grande partie mais aussi Anglais, Écossais, Allemand, Danois, etc.), ils ont incorporé divers éléments culturels afin de se solidifier une identité indépendante. À l’instar de nombreux groupes culturels, les Métis avaient tendance à se marier avec d’autres Métis, ce qui a grandement contribué à singulariser leur culture.

Charrette de la rivière Rouge (Photo: Alain Bertrand)

De plus, plusieurs événements importants sont venus consolider cette identité Métis en obligeant ce nouveau peuple à se définir, afin de se défendre et défendre le territoire sur lequel il vivait. Les Métis, étant membres de la Confédération de fer (alliance militaire, économique et territoriale avec les Cris, les Assiniboines et les Saulteaux), ont été obligés de participer à plusieurs guerres contre des nations rivales (Pied-Noirs, Sioux, Gros-Ventres). Plus tard, la guerre du Pemmican, la Bataille des Sept-Chênes (Seven Oaks) et la Résistance du Nord-Ouest menée par Louis Riel ont été des événements qui ont contribué à l’évolution des Métis en tant que peuple doté d’une organisation linguistique, politique et sociale distincte.

On parle souvent des Métis de la Rivière Rouge ; toutefois, il ne faut pas oublier qu’il y avait vers 1790-1800 d’autres communautés éparpillées dans ce qui est aujourd’hui le nord de l’Alberta. Il y avait aussi une communauté Métis importante dans la région des Grands Lacs qui participait pleinement à la traite des fourrures. De plus, des communautés Métis s’étaient aussi formées au sud des Grands Lacs, entre autre, en Illinois. Ces dernières se dispersèrent vers l’ouest et le nord suite à l’arrivée massive de colons américains en Illinois vers 1800-1820.

Afin d’être officiellement reconnu comme étant Métis par les organismes provinciaux Métis actuels, il est nécessaire de pouvoir démontrer un lien direct avec ces communautés Métis historiques. Afin de prouver et obtenir la citoyenneté Métis, il existe d’excellentes base de données généalogiques qui reflètent très clairement les descendances Métis du Métis Homeland.

Symbole de la nation Métis de l’Alberta (Photo : Alain Bertrand)

Écrit avec un « m » minuscule, le mot métis désigne toutes les membres de communautés d’ascendance européenne-autochtone au Canada. Les premiers mariages mixtes entre Européens et autochtones remontent aux débuts de la colonisation. Toutefois, la question de savoir si ces mariages ont abouti à des communautés métisses distinctes est incertaine et fait depuis longtemps l’objet de débats savants…


La communauté franco-albertaine doit être plus visible

J’ai vécu une grande pointe de fierté lundi le 1er juillet… Je dois admettre que ce feeling était surprenant, vu que je suis souvent enseveli au fin fonds des marasmes de mon quotidien. Une pointe de fierté éveillée à la vue d’un petit contingent de francophones dans le cadre du défilé annuel de la Fête du Canada à Sherwood Park, en banlieue d’Edmonton. Malgré la pluie qui venait de commencer, les drapeaux franco-albertains flottaient au vent, les sourires étaient radieux, les voix fortes, et la fierté était palpable…  Organisée par la Société des parents de l’École Claudette-et-Denis-Tardif de Sherwood Park, de concert avec quelques intervenants communautaires, cette présence francophone au sein du défilé avait attiré une bonne cinquantaine de fiers marcheurs francophones : des élèves de l’école et leurs parents, évidemment, mais aussi des membres de la communauté créant ainsi une belle visibilité applaudie par de nombreux spectateurs…                    

Visibilité lors de la parade à Sherwood Park (Photo: Tanya Saumure)

Cette pointe de fierté m’a laissé perplexe et a engendré chez moi une profonde réflexion – oui, cela m’arrive, même que cela m’arrive trop souvent. Des défilés/parades, je m’en tape sérieusement plusieurs par année à Edmonton, à Calgary, à Leduc, et chez moi à Beaumont… Pourtant les pointes de fierté sont rares. La communauté francophone brille par son absence dans les défilés en Alberta… La communauté francophone en Alberta avec ses valeurs de diversité, d’ouverture, d’innovation et de solidarité devrait, selon moi, être mise en évidence dans chaque défilé d’importance à l’échelle de la province. Notre francophonie se doit de profiter de tous les moyens à sa disposition pour rayonner…

Somalie, Philippines, Trinité-et-Tobago… Pourquoi pas nous ?

Dans les défilés du Stampede à Calgary et celui du K-days d’Edmonton, les diverses communautés culturelles profitent de cette occasion pour augmenter leur niveau de visibilité. Les communautés de pays tels que Trinité-et-Tobago, la Somalie, les Philippines et bien d’autres arborent fièrement leurs drapeaux et leurs costumes nationaux afin de se faire connaitre et apprécier. La francophonie, elle, est absente…

Inutile de me marteler la tête avec la sempiternelle explication : nous ne sommes pas une communauté culturelle, nous sommes une communauté de langue officielle… Fair enough, I get it. Je suis entièrement d’accord. Toutefois, cela devrait-il limiter la visibilité de notre francophonie ?

Une bonne amie, Suzanne de Courvil Nicol, avait été grandement félicitée lorsqu’elle avait inscrit un char allégorique francophone dans le défilé du Stampede en 1994 et encore en 2012 (je le sais, j’étais sur les deux chars…). Assurer la présence d’un char allégorique dans une parade n’est pas chose facile, cela peut être aussi assez onéreux. La ville de Beaumont avait dépensé environ 35,000 $ pour construire et aménager le sien en 2017…

Char allégorique de Beaumont (Photo: Alain Bertrand)

Suite au succès de la communauté francophone de Sherwood Park, un char allégorique n’est peut-être pas vraiment absolument nécessaire. De plus, le financement pour un tel projet ne serait pas facile à trouver, les bailleurs de fonds traditionnels ne finançant pas ce genre d’activité. Il suffit d’avoir un nombre de bénévoles intéressés, quelques drapeaux, de la bonne musique…

Le rayonnement de la communauté franco-albertaine doit être visible

Puisque certains organismes ont maintenant des véhicules (Francophonie jeunesse de l’Alberta, l’ACFA régionale d’Edmonton, CANAVUA…), pourquoi ne pas les inviter à participer à hausser la visibilité de notre francophonie ? Ce serait une excellente initiative pour non seulement accroître notre visibilité mais aussi notre vitalité communautaire en tissant ou renforçant la concertation et la collaboration entre les divers organismes et intervenants francophones. La diversité culturelle grandissante de notre communauté pourrait aussi être mise à l’honneur.

La communauté franco-albertaine se doit d’être visible, c’est-à-dire non seulement d’être connue et appréciée de la majorité, mais aussi d’être perçue par un public potentiel comme vibrante et en plein rayonnement : les nouveaux arrivants francophones, les francophones de langue maternelle anglaise, les touristes francophones, etc.

J’ai hâte à ma prochaine grande pointe de fierté…


Polyfonik – Trente ans, cela se célèbre!

Pas facile la vie d’artiste…  Souvent partir de rien pour créer… Le cauchemar de la page vierge… S’assujettir à des sempiternelles remises en question…  Subir les rites de passage, de sa croissance en tant qu’artiste en devenir…

Malgré tous ces défis, rien ne bat la fierté de partager sa création, sa chanson, son œuvre avec un public friand de chanson française, un public affamé qui ne cesse d’en redemander…

Pour la plupart d’entre nous, humbles mortels que nous sommes, le rêve du Rock Star, le rêve du partage sur scène d’une chanson, fruit de notre passion musicale, n’est qu’un rêve inaccessible.  Seuls ceux et celles qui ont un instinct pour la création, une passion pour les mots, une oreille pour le mélange des sonorités, peuvent rêver réaliser leur passion.

Le samedi 22 juin, à la Cité francophone d’Edmonton, se tenait la 30e édition de Polyfonik (Gala de la chanson albertaine).  En célébration du trentième étaient réunis des finalistes du Gala, des artisans de la chanson franco-albertaine, tant anciens qu’en devenir…

Quatre Polyfoniciens, dont trois pour qui ce n’était pas la première participation au Gala, sont les finalistes de 2019 : Renelle Roy, Isabelle Cliche, Érik Ringuette, et Sympa César.  Seule Isabelle Cliche en est à sa première expérience Polyfonik… Présentant chacun et chacune des compositions personnelles, les artistes en herbe se donnent à fond, engendrant un éveil, une appréciation, au sein du public.  Certaines chansons relatent une expérience vécue, d’autres célèbrent les petits plaisirs de la vie…

Lorsque vint le temps de dévoiler le nom des lauréats, Érik Ringuette s’est vu décerner le prix Ronald Tremblay (chanson primée) tandis que Sympa César se voyait décerner le prix du Jury.  Sympa représentera don l’Alberta lors du Gala Chant-Ouest le 19 septembre prochain.

Pas facile la vie d’artiste de la chanson en Alberta… Pourtant, la précarité du métier n’en décourage pas beaucoup.  La communauté des artistes interprètes franco-albertains est en pleine effervescence.  Elle connait depuis une bonne dizaine d’années une forte progression.  Malgré l’incertitude financière associée au métier, malgré la perception stéréotypée de l’artiste toujours prêt à chanter pour une miche de pain, malgré les limites d’un marché de communauté linguistique en situation minoritaire, rien ne dissuade nos artistes.  Certains dont, entre autres, Mireille Moquin, Ariane Mahryke-Lemire, Raphaël Freynet, Cristian de la Luna ont commencé à percer hors de nos frontières des Prairies canadiennes ; au Québec, en Acadie, en Europe, en Amérique latine (Cristian de la Luna chante aussi en espagnol).  Plusieurs ont déjà participé au Festival international de la chanson de Granby…  D’autres encore étudient leurs mentors et attendent patiemment leur chance…

Sous l’égide d’un de ses fondateurs, Ronald Tremblay, la trentième édition de Polyfonik avait réussi à retrouver les quatre premiers finalistes du premier gala de 1989 ; Crystal Plamondon, Josée Lajoie, Lori-Lee Turcotte et Yvon Loiselle étaient présents pour partager leur expérience et saluer les Polyfoniciens de 2019.  Pierre Sabourin, lauréat du Gala albertain en 1995, après sa prestation, a annoncé qu’il reprenait goût à la chanson…  Bien la preuve que l’impact de Polyfonik/Gala de la chanson est loin d’être éphémère…


Célébration du patrimoine autochtone en Alberta

Au Canada, le mois de juin est souligné comme étant le Mois national de l’histoire autochtone et le 21 juin comme étant la Journée nationale des peuples autochtones.  Cette dernière se veut être une journée de célébration des diverses cultures, traditions et contributions des Premières Nations et des peuples Inuit et Métis au Canada.

La sensibilisation à l’histoire et au patrimoine autochtone, la création de partenariats économiques et l’avancement des relations vers une reconnaissance politique accrue des peuples autochtones, mises à jour des pratiques d’embauche et formations menant vers une plus grande employabilité au sein des communautés autochtones, redécouverte et célébration des langues autochtones – nous apprenons ensemble que la Réconciliation enrichit chaque aspect de notre identité canadienne.

Mais qu’en est-il vraiment ?

Ces désignations du Mois national de l’histoire autochtone et de la Journée nationale des peuples autochtones sont certes des pas dans la bonne direction.  Toutefois, à part ces célébrations ponctuelles, le discours autochtone tombe souvent sur sourde oreille.  Bien sûr, le rapport de la Commission de Vérité et réconciliation du Canada et, plus récemment, le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ont fait les manchettes de nos journaux.  Dans ce dernier cas, soyons franc en admettant que c’est essentiellement l’emploi du mot « génocide » qui a incendié les manchettes des journaux et remplit une bonne partie du temps d’antenne de nos téléjournaux.  Pour ce qui est des recommandations faites dans le cadre de ces deux rapports – rares sont les personnes pouvant les énumérer…

Cela étant dit, le Gouvernement du Canada et le Gouvernement de l’Alberta se doivent d’être félicités pour leur initiatives d’avoir rendu obligatoire des ateliers et formations axés sur la sensibilisation à l’histoire et au patrimoine autochtone pour leurs fonctionnaires.  Un nombre grandissant de ces derniers profitent donc d’ateliers et de webinaires sur non seulement l’initiation aux cultures autochtones mais aussi sur les protocoles à respecter lors de dialogues interculturels et l’impact des écoles résidentielles sur la réalité et la survie des communautés autochtones. Sur le plan communautaire, de plus en plus d’organismes tels que Kairos Canada se sont donnés la mission de sensibiliser les Canadiens et Canadiennes…

Malgré tout cela, l’histoire autochtone demeure méconnue.  La récente déclaration de l’innocence du chef cri Pîhtokahanapiwiyin (mieux connu sous le nom de Poundmaker) en est un exemple.  Accusé de trahison suite à une accusation mal-fondée de participation à la Rébellion du Nord-Ouest (ou Résistance du Nord-Ouest, selon le cas) en 1885, Poundmaker avait été incarcéré pendant sept mois au pénitencier de Stony Mountain au Manitoba (sa sentence était de trois ans mais il fut libéré après sept mois par inquiétude sur son état de santé).  Cette déclaration d’innocence, évidemment justifiée, a été bien médiatisée – pendant environ deux jours – partout au pays et plus particulièrement en Saskatchewan (où se trouve la Nation crie Poundmaker) et en Alberta, deux provinces situées sur les terres ancestrales du Traité Six.  Par contre, ce qui n’a pas vraiment été partagé, ce sont non seulement la nature des accusations montées contre Poundmaker mais aussi l’impact de son arrestation, suivie de son décès peu après sa libération, sur son peuple.  Premièrement, il est essentiel de comprendre que Poundmaker n’avait pas été arrêté par les forces de l’ordre.  En quête de justice pour les siens et faisant suite à ses efforts de pacification, Poundmaker s’était livré lui-même – un point important. En 1885, lors d’un retrait des forces canadiennes, Poundmaker, qui n’avait pas participé au combat, avait empêché ses guerriers de poursuivre les soldats.  Un geste qui a certainement épargné la vie à de nombreux soldats et guerriers.  En fait, la seule raison pour laquelle Poundmaker a été accusé de trahison est que son nom figurait dans une lettre écrite par Louis Riel.  L’incarcération de Poundmaker, suivie de son décès, a été désastreuse pour son peuple.  Privé de son chef, sa nation perdit son pouvoir de négociation avec le gouvernement canadien, se dispersa et sombra dans une pauvreté absolue.  Poundmaker figure dans nos livres d’histoire comme étant un traitre, nous verrons si sa déclaration d’innocence en changera la donne. 

En 2018, le gouvernement Trudeau annonçait 4,8 milliards sur cinq ans afin de mettre en branle son projet de réconciliation avec les peuples autochtones.  Ces fonds visaient, entre autres, la réduction des écarts économiques entre les communautés autochtones et non autochtones – 2,9 milliards (soins de santé et appuis à l’enfance), 1 milliard (accès au logement) et 447 millions pour faciliter l’accès au marché du travail.  Un autre 613 millions étaient voués à l’augmentation de traités et à la création d’ententes d’autodétermination.  Certainement, encore une fois, des pas dans la bonne direction.

Voici les défis à surmonter.

Le taux de mortalité infantile chez nos concitoyens autochtones est trois fois plus élevé que la moyenne nationale, le taux de diabète est quatre fois plus élevé et le taux de suicide chez les jeunes adolescents autochtones est sept fois plus élevés que chez les autres Canadiens et Canadiennes.  L’avenue de solution privilégiée est de s’assurer que les programmes et services de santé autochtones soient élaborés et fournis par ces derniers.  Nous en sommes toujours à l’étape de négociation du transfert des fonds…

Bien des communautés autochtones isolées, dont certaines en Alberta et Saskatchewan, ne profitent toujours pas d’un accès stable à l’eau potable.

En ce qui concerne l’employabilité au sein des communautés autochtones, le gouvernement Trudeau vise à combler les écarts d’emploi et de revenus entre les peuples autochtones et non autochtones, en mettant davantage l’accent sur la formation supérieure, des emplois mieux rémunérés et une aide accrue aux clients autochtones tout au long du continuum de leurs développement professionnel, avec des services complets qui sont à la fois culturellement appropriés et répondant à leurs besoins spécifiques.

Il est grand temps que l’esprit colonialiste du Canada cesse.  L’image que projette le Canada à l’étranger, celle d’un pays libre sans passé colonialiste comme ceux d’autres pays occidentaux, est trahie par la réalité de son discours avec ses communautés autochtones.  L’ouverture du gouvernement Trudeau à établir des relations de nation à nation avec les nations autochtones contribuera certes à l’épanouissement de ces dernières.  Il est donc primordial que les droits autochtones soient reconnus dès le départ.  Les traités modernes négociés avec des Premières Nations de la Colombie Britannique assurent à ces dernières un statut de nation à nation lors de pourparlers avec le gouvernement fédéral.  Ailleurs au pays, la communauté Inuit du Nunavut s’était déjà assurer d’une grande reconnaissance de ses droits lors de la fondation de ce troisième territoire en 1999.  Pour le reste du pays, c’est un peu pêle-mêle…  Des ententes de reconnaissances de droits ont été signées avec certaines nations.  Pour d’autres, les discussions se font par l’entremise d’organismes autochtones nationaux dont les juridictions ne sont pas toujours reconnues par les nations et peuples qu’ils prétendent représenter… Enfin, il serait sage de retenir la signification du thème de l’Assemblée Dehcho des Territoires du Nord-Ouest : Ce n’est pas les traités qui créent des nations, ce sont plutôt les nations qui créent des traités…

Lors d’un panel de discussion sur la Réconciliation organisé par l’ACFA régionale d’Edmonton, l’acteur et chanteur d’origine algonquine Samian soulevait la question de reconnaissance des droits autochtones en partageant que le Canada n’est pas uniquement le fruit des contributions française et anglaise : « Il manque un gros morceau à cette image – celui de la contribution des peuples autochtones. »  La reconnaissance des langues autochtones est une étape importante vers l’acceptation de cette troisième identité en tant que peuple fondateur du Canada.  Par contre, à part la reconnaissance de l’Inuktitut comme langue officielle du Nunavut, du Déné comme une des langues officielles des Territoires du Nord-Ouest, et du Cri par le nombre important de ses locuteurs, les autres langues autochtones du Canada ne se portent pas si bien.  Plusieurs ne survivent que grâce à de petits nombres diminuants d’aînés qui parlent toujours leur langue ancestrale.  Par exemple, le Mitchif, langue pourtant officielle de la nation Métis de l’Alberta a très peu de locuteurs en Alberta ; ailleurs au pays, le Mitchif subsiste toujours dans certaines communautés du Manitoba et de la Saskatchewan…  Pour une nation, le respect et l’apprentissage d’une culture se doit de passer par plus qu’un simple maintien linguistique.  Les langues autochtones se doivent d’être protégées mais aussi d’êtres renforcées.  Bravo au gouvernement canadien pour son initiative axée sur les langues autochtones ! Espérons toutefois qu’il n’est pas trop tard pour un grand nombre d’entre elles…

A titre personnel, par l’entremise du Festival Edmonton chante qui nous a présenté une palette d’artistes autochtones francophones le vendredi 21 juin dernier, j’ai découvert la beauté de l’Inuktitut tel que chanté par la chanteuse Inuk Élisapie Isaac…  Née au Québec d’une mère Inuk et d’un père terre-neuvien, Élisapie chante la beauté d’être Autochtone, de son amour du Grand Nord et de son appui à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Merci de ce beau partage culturel enivrant…

 


Absence de l’histoire africaine en Alberta

Carte du Congodrapeau franco-albertain

Ici, en Alberta, nous avons de la neige depuis environ un mois… Voir la neige tomber est un événement un peu traumatisant pour ceux, qui comme moi, ne voient pas l’utilité de se lancer à pleine allure, du haut d’une colline, sur une paire de planches longues et fines que certains appellent des skis… Et qui se sentent coupable d’envisager les sept prochains mois pantouflés à l’intérieur d’une chaumière en combattant, sans trop de succès, une armée de microbes et de virus…

Pendant que ces affreux flocons salissent la belle verdure qu’était toujours jusqu’à récemment mon jardin, je pense à l’Afrique… Un vieux sage m’avait une fois expliqué que lorsque l’on passe un mauvais moment, il faut se concentrer sur quelque chose qui en est l’exemplarité du contraire. Voilà ce qui explique donc le flot de mes pensées vers ce continent…

Pourquoi l’Afrique ? J’ai toujours été fasciné par ce continent depuis mon enfance. J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises d’y aller : Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Cameroun, Madagascar, Rwanda, Burundi, Ouganda… Au Rwanda, j’ai grimpé des volcans pour partager l’intimité d’une famille de gorilles des montagnes, et ce, pendant que l’on pouvait entendre des coups de canon qui nous provenaient du côté congolais du même volcan. Au Burkina Faso, j’ai vu de jeunes enfants, morts de faim, qui étaient pleurés par des villages entiers. L’Afrique, c’est cela; autant de beauté que de misère…

Je commençais à planifier mon prochain voyage au Bénin où je m’étais engagé à collaborer avec un organisme de Porto-Novo qui travaille avec des orphelins dont un grand nombre proviennent des pays limitrophes déchirés par la guerre. Suite à l’épidémie d’Ebola, il m’a été fortement recommandé d’annuler ces plans de voyage… J’ai écouté.

Pourtant l’Afrique continue de m’appeler…

Je lis depuis quelque temps un livre de l’auteur flamand David Van Reybrouck sur l’histoire du Congo. Des livres sur l’histoire et les politiques de l’Afrique, je dois en avoir des vingtaines, au grand désarroi de mon épouse d’ailleurs… Tous ou presque racontent l’histoire africaine d’un point de vue occidental, donc solidement ancré dans des vestiges colonialistes. Ce livre, tout simplement appelé « Congo » me fascine; Van Reybrouck a réussi un rare tour de force en écrivant sa brique (680 pages!) – prendre le temps d’écouter les Africains, plus précisément les Congolais, raconter eux-mêmes leur propre histoire. En se faisant, la perspective est totalement différente – on oublie les « bienfaits » des Belges colonisateurs pour apprécier l’histoire tant méconnue d’un peuple (en fait toute une panoplie de peuples!) qui n’ont jamais demandé à être colonisés… Une histoire extrêmement riche! Les empires africains qui ont évolué au centre de l’Afrique avant d’être oubliés par l’abysse du temps… Les différents peuples qu’abritait une vaste jungle qui s’étendait de l’Atlantique aux Grands Lacs… Il y avait avant l’époque coloniale plus de peuples au Congo, tous différents l’un de l’autre, qu’en Europe… les Bakongo, les Bakuba, les Balunda, les Bayaka, les Tutsi, etc. J’avais déjà lu la biographie du roi Léopold II et les horreurs de l’État indépendant du Congo dont le nom ne reflétait nullement la réalité. L’histoire des mains noires, je connaissais, mais lire le récit de gens qui peuvent retracer leurs lignées familiales à cette époque si dévastatrice, cela donne des frissons… De même pour les origines du kimbanguisme et l’emprisonnement forcé de ses premiers religionnaires lors de la création d’une religion réellement africaine. Les étapes, souvent sanglantes, qui ont mené le pays vers la genèse d’une nouvelle nation indépendante sont encore plus fascinantes lorsque racontées par des gens qui ont connu Lumumba et Kasa-Vubu. Sur une note un peu plus joyeuse, en tant que grand amateur de musique, j’étais ébahi d’apprendre que Kinshasa était un des berceaux du jazz et de la rumba en Afrique durant les années cinquante : Antoine Kalosoyi, Camille Makoko, etc.

Pourquoi est-ce que je vous parle de l’Afrique dans un blog qui se veut dédié à la francophonie albertaine ? J’y arrive…

Depuis au moins une vingtaine d’années, si pas plus, les Congolais arrivent en Alberta. D’abord dans les grands centres, Edmonton et Calgary, où des diasporas de plusieurs centaines de familles sont bien installées et contribuent à la société canadienne. Beaucoup plus récemment, c’est à Brooks, Lethbridge, Red Deer que nous les retrouvons. Le nouvel agent culturel de l’ACFA régionale de Falher, dans le nord-ouest de la province, est un jeune Congolais…

Pourtant, qui était le premier Congolais en Alberta ? Nul ne le sait… Je connais bien quelqu’un d’origine congolaise qui est ici depuis les années 80, mais rien n’est répertorié qui pourrait indiquer qu’il était parmi les premiers… Il existe bel et bien des associations congolaises dans les deux grandes métropoles albertaines, mais nous n’en connaissons pas l’histoire… Nos archives provinciales semblent avoir été oubliées pour ce qui est des manuscrits, des procès-verbaux, des photos, des listes des membres des conseils d’administration d’un peuple qui participe aussi au développement de notre francophonie albertaine.

Cela s’explique, du moins en partie, par les exigences des besoins d’intégration; se trouver un logement, un emploi, une école pour les enfants, l’envie de se canadienniser… C’est compréhensible. Pourtant des associations se sont créées au fil des ans… Que sont devenus les documents d’incorporation, les listes de présences lors de la première assemblée annuelle, les procès-verbaux ? L’écho de l’histoire congolaise a de la difficulté à vibrer entre les frontières de l’Alberta et je suis déçu que mes enfants n’apprendront peut-être pas l’histoire de certains de leurs amis de classe… L’histoire de la francophonie albertaine n’est pas uniquement celle des trappeurs et des contributions du clergé catholique…

Je parle ici des mes concitoyens congolais mais la situation est identique pour les autres communautés africaines : ivoiriens, camerounais, maghrébins, etc.

Je connais le nom du premier agent culturel d’origine congolaise à Falher – qui d’autre le saura?


Saint-Paul, Alberta – en évolution…

Centre culturel de Saint-Paul

L’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), organisme porte-parole de la francophonie albertaine, est un organisme provincial avec quatorze bureaux régionaux.  Ces bureaux, aussi appelés régionales, couvrent la province de Lethbridge à Fort McMurray (presque 1000 km !)

Chaque région francophone a son caractère propre, rendant toutes généralisations pratiquement impossibles.  Les communautés du nord, Plamondon, Saint-Paul, Bonnyville et Falher,  sont essentiellement agricoles avec des communautés francophones bien enracinées mais vieillissantes.

Le nord-est de l’Alberta fait partie des régions rurales albertaines touchées par le dépeuplement rural.  La ville de Saint-Paul est une agglomération, un bourg, d’environ 5 800 habitants, dont 12 % de francophones, située à 196 km au nord-est d’Edmonton.  Au fil des ans, l’agriculture a décliné et nombreux sont les francophones qui ont quitté pour d’autres régions, principalement Edmonton.  Il est en effet assez facile de rencontrer au sein de la francophonie d’Edmonton, des gens originaires de Saint-Paul.

J’adore me rendre à Saint-Paul…  Rien de plus beau après presque deux heures de voiture de voir le clocher de l’église se pointer à l’horizon…  À l’église, on vire à droite et on est arrivé au bureau de la régionale.

Comme c’est le cas dans plusieurs autres régions, la régionale de Saint-Paul essaie, tant bien que mal, à rassembler la communauté francophone locale.  À Saint-Paul, l’ouverture de l’École du Sommet, école francophone, en 1990 a grandement contribué à freiner le taux d’assimilation des francophones.  Quoiqu’il n’est pas possible de vivre uniquement en français à Saint-Paul (réalité albertaine oblige !), il est possible de participer à de nombreuses activités qui se déroulent en français.  Ces dernières, coordonnées soit par l’ACFA régionale ou l’école, attirent même un nombre grandissant de francophiles.  La Cabane à sucre annuelle et le lever du drapeau franco-albertain en mars,  la Veillée des moissons en octobre, les 5 à 7, et les spectacles « Chemins chez nous » n’en sont que quelques exemples.  Le petit journal mensuel, le Dirigeable, informe régulièrement la francophonie locale sur tout ce qui s’y passe…  Les jeunes finissants de l’École du Sommet ont créé un groupe rock, Évolution, qui semble avoir le vent dans les ailes…  La régionale félicite ses bénévoles annuellement et ce n’est pas les gens à remercier qui manquent…  La communauté de Saint-Paul a toujours été une communauté modèle pour plusieurs raisons : le dévouement, la disponibilité, la passion et la persévérance des membres de sa  communauté ont grandement contribué non seulement à la survie du fait français à Saint-Paul mais aussi à son essor !

Vu toutes ces activités, le dépeuplement rural ne semble pas avoir un impact.   Le succès de ces activités est trompeur…  De nombreux jeunes en quête d’emploi ou d’études supérieures continuent à quitter la région.  Malgré la forte participation aux activités, la régionale éprouve de la difficulté à trouver des membres pour son conseil d’administration.  Certaines personnes y siègent depuis des années faute de remplaçants.  Le conseil d’administration du musée historique, ne voyant pas de relève à l’horizon, songe à soit fermer ses portes ou s’amalgamer avec un autre musée municipal anglophone.

Jusqu’à tout récemment, la population francophone de Saint-Paul était assez homogène.  Hormis quelques Européens venus s’y installer, la francophonie locale était majoritairement franco-albertaine.  La francophonie locale s’est un peu agrandie au courant des dernières années en profitant de l’arrivée de quelques familles acadiennes, maghrébines et africaines qui, quoi qu’elles participent régulièrement aux activités offertes par la communauté, n’ont pas encore suffisamment d’enracinement pour en comprendre l’importance de la coordination.

Pour les rejoindre, la régionale devrait accentuer ses démarches de recrutement vers le corps professoral de l’École du Sommet où certains membres de ses familles atterriront soit en tant qu’étudiants ou employés.  Une autre piste serait de déléguer la coordination de quelques activités axées sur la jeunesse ou le culturel aux jeunes afin de les initier aux rudiments de la coordination communautaire.  Serait-ce les débuts d’une solution au dépeuplement de nos communautés francophones ?  Seul le temps nous le dira…

Saint-Paul