Célébration du patrimoine autochtone en Alberta

25 juin 2019

Célébration du patrimoine autochtone en Alberta

Au Canada, le mois de juin est souligné comme étant le Mois national de l’histoire autochtone et le 21 juin comme étant la Journée nationale des peuples autochtones.  Cette dernière se veut être une journée de célébration des diverses cultures, traditions et contributions des Premières Nations et des peuples Inuit et Métis au Canada.

La sensibilisation à l’histoire et au patrimoine autochtone, la création de partenariats économiques et l’avancement des relations vers une reconnaissance politique accrue des peuples autochtones, mises à jour des pratiques d’embauche et formations menant vers une plus grande employabilité au sein des communautés autochtones, redécouverte et célébration des langues autochtones – nous apprenons ensemble que la Réconciliation enrichit chaque aspect de notre identité canadienne.

Mais qu’en est-il vraiment ?

Ces désignations du Mois national de l’histoire autochtone et de la Journée nationale des peuples autochtones sont certes des pas dans la bonne direction.  Toutefois, à part ces célébrations ponctuelles, le discours autochtone tombe souvent sur sourde oreille.  Bien sûr, le rapport de la Commission de Vérité et réconciliation du Canada et, plus récemment, le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ont fait les manchettes de nos journaux.  Dans ce dernier cas, soyons franc en admettant que c’est essentiellement l’emploi du mot « génocide » qui a incendié les manchettes des journaux et remplit une bonne partie du temps d’antenne de nos téléjournaux.  Pour ce qui est des recommandations faites dans le cadre de ces deux rapports – rares sont les personnes pouvant les énumérer…

Cela étant dit, le Gouvernement du Canada et le Gouvernement de l’Alberta se doivent d’être félicités pour leur initiatives d’avoir rendu obligatoire des ateliers et formations axés sur la sensibilisation à l’histoire et au patrimoine autochtone pour leurs fonctionnaires.  Un nombre grandissant de ces derniers profitent donc d’ateliers et de webinaires sur non seulement l’initiation aux cultures autochtones mais aussi sur les protocoles à respecter lors de dialogues interculturels et l’impact des écoles résidentielles sur la réalité et la survie des communautés autochtones. Sur le plan communautaire, de plus en plus d’organismes tels que Kairos Canada se sont donnés la mission de sensibiliser les Canadiens et Canadiennes…

Malgré tout cela, l’histoire autochtone demeure méconnue.  La récente déclaration de l’innocence du chef cri Pîhtokahanapiwiyin (mieux connu sous le nom de Poundmaker) en est un exemple.  Accusé de trahison suite à une accusation mal-fondée de participation à la Rébellion du Nord-Ouest (ou Résistance du Nord-Ouest, selon le cas) en 1885, Poundmaker avait été incarcéré pendant sept mois au pénitencier de Stony Mountain au Manitoba (sa sentence était de trois ans mais il fut libéré après sept mois par inquiétude sur son état de santé).  Cette déclaration d’innocence, évidemment justifiée, a été bien médiatisée – pendant environ deux jours – partout au pays et plus particulièrement en Saskatchewan (où se trouve la Nation crie Poundmaker) et en Alberta, deux provinces situées sur les terres ancestrales du Traité Six.  Par contre, ce qui n’a pas vraiment été partagé, ce sont non seulement la nature des accusations montées contre Poundmaker mais aussi l’impact de son arrestation, suivie de son décès peu après sa libération, sur son peuple.  Premièrement, il est essentiel de comprendre que Poundmaker n’avait pas été arrêté par les forces de l’ordre.  En quête de justice pour les siens et faisant suite à ses efforts de pacification, Poundmaker s’était livré lui-même – un point important. En 1885, lors d’un retrait des forces canadiennes, Poundmaker, qui n’avait pas participé au combat, avait empêché ses guerriers de poursuivre les soldats.  Un geste qui a certainement épargné la vie à de nombreux soldats et guerriers.  En fait, la seule raison pour laquelle Poundmaker a été accusé de trahison est que son nom figurait dans une lettre écrite par Louis Riel.  L’incarcération de Poundmaker, suivie de son décès, a été désastreuse pour son peuple.  Privé de son chef, sa nation perdit son pouvoir de négociation avec le gouvernement canadien, se dispersa et sombra dans une pauvreté absolue.  Poundmaker figure dans nos livres d’histoire comme étant un traitre, nous verrons si sa déclaration d’innocence en changera la donne. 

En 2018, le gouvernement Trudeau annonçait 4,8 milliards sur cinq ans afin de mettre en branle son projet de réconciliation avec les peuples autochtones.  Ces fonds visaient, entre autres, la réduction des écarts économiques entre les communautés autochtones et non autochtones – 2,9 milliards (soins de santé et appuis à l’enfance), 1 milliard (accès au logement) et 447 millions pour faciliter l’accès au marché du travail.  Un autre 613 millions étaient voués à l’augmentation de traités et à la création d’ententes d’autodétermination.  Certainement, encore une fois, des pas dans la bonne direction.

Voici les défis à surmonter.

Le taux de mortalité infantile chez nos concitoyens autochtones est trois fois plus élevé que la moyenne nationale, le taux de diabète est quatre fois plus élevé et le taux de suicide chez les jeunes adolescents autochtones est sept fois plus élevés que chez les autres Canadiens et Canadiennes.  L’avenue de solution privilégiée est de s’assurer que les programmes et services de santé autochtones soient élaborés et fournis par ces derniers.  Nous en sommes toujours à l’étape de négociation du transfert des fonds…

Bien des communautés autochtones isolées, dont certaines en Alberta et Saskatchewan, ne profitent toujours pas d’un accès stable à l’eau potable.

En ce qui concerne l’employabilité au sein des communautés autochtones, le gouvernement Trudeau vise à combler les écarts d’emploi et de revenus entre les peuples autochtones et non autochtones, en mettant davantage l’accent sur la formation supérieure, des emplois mieux rémunérés et une aide accrue aux clients autochtones tout au long du continuum de leurs développement professionnel, avec des services complets qui sont à la fois culturellement appropriés et répondant à leurs besoins spécifiques.

Il est grand temps que l’esprit colonialiste du Canada cesse.  L’image que projette le Canada à l’étranger, celle d’un pays libre sans passé colonialiste comme ceux d’autres pays occidentaux, est trahie par la réalité de son discours avec ses communautés autochtones.  L’ouverture du gouvernement Trudeau à établir des relations de nation à nation avec les nations autochtones contribuera certes à l’épanouissement de ces dernières.  Il est donc primordial que les droits autochtones soient reconnus dès le départ.  Les traités modernes négociés avec des Premières Nations de la Colombie Britannique assurent à ces dernières un statut de nation à nation lors de pourparlers avec le gouvernement fédéral.  Ailleurs au pays, la communauté Inuit du Nunavut s’était déjà assurer d’une grande reconnaissance de ses droits lors de la fondation de ce troisième territoire en 1999.  Pour le reste du pays, c’est un peu pêle-mêle…  Des ententes de reconnaissances de droits ont été signées avec certaines nations.  Pour d’autres, les discussions se font par l’entremise d’organismes autochtones nationaux dont les juridictions ne sont pas toujours reconnues par les nations et peuples qu’ils prétendent représenter… Enfin, il serait sage de retenir la signification du thème de l’Assemblée Dehcho des Territoires du Nord-Ouest : Ce n’est pas les traités qui créent des nations, ce sont plutôt les nations qui créent des traités…

Lors d’un panel de discussion sur la Réconciliation organisé par l’ACFA régionale d’Edmonton, l’acteur et chanteur d’origine algonquine Samian soulevait la question de reconnaissance des droits autochtones en partageant que le Canada n’est pas uniquement le fruit des contributions française et anglaise : « Il manque un gros morceau à cette image – celui de la contribution des peuples autochtones. »  La reconnaissance des langues autochtones est une étape importante vers l’acceptation de cette troisième identité en tant que peuple fondateur du Canada.  Par contre, à part la reconnaissance de l’Inuktitut comme langue officielle du Nunavut, du Déné comme une des langues officielles des Territoires du Nord-Ouest, et du Cri par le nombre important de ses locuteurs, les autres langues autochtones du Canada ne se portent pas si bien.  Plusieurs ne survivent que grâce à de petits nombres diminuants d’aînés qui parlent toujours leur langue ancestrale.  Par exemple, le Mitchif, langue pourtant officielle de la nation Métis de l’Alberta a très peu de locuteurs en Alberta ; ailleurs au pays, le Mitchif subsiste toujours dans certaines communautés du Manitoba et de la Saskatchewan…  Pour une nation, le respect et l’apprentissage d’une culture se doit de passer par plus qu’un simple maintien linguistique.  Les langues autochtones se doivent d’être protégées mais aussi d’êtres renforcées.  Bravo au gouvernement canadien pour son initiative axée sur les langues autochtones ! Espérons toutefois qu’il n’est pas trop tard pour un grand nombre d’entre elles…

A titre personnel, par l’entremise du Festival Edmonton chante qui nous a présenté une palette d’artistes autochtones francophones le vendredi 21 juin dernier, j’ai découvert la beauté de l’Inuktitut tel que chanté par la chanteuse Inuk Élisapie Isaac…  Née au Québec d’une mère Inuk et d’un père terre-neuvien, Élisapie chante la beauté d’être Autochtone, de son amour du Grand Nord et de son appui à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Merci de ce beau partage culturel enivrant…

 

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